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L’espace comme élément de l’autonomie stratégique européenne

Le 16 décembre dernier, la Commission européenne et le Haut Représentant ont présenté la stratégie européenne de cybersécurité, le même jour était conclu un accord entre la Présidence du Conseil et le Parlement européen définissant le programme spatial de l’UE pour les années 2021 à 2027. Si ce jour reste symbolique, il est pour l’idée d’une autonomie stratégique européenne d’une importance capitale.

Un domaine devenu incontournable

L’espace est devenu un enjeu sécuritaire comme tout territoire terrestre, la surveillance spatiale (Space Situational Awareness, SSA et Space surveillance and tracking, SST), la surveillance du domaine maritime (Maritime Domain Awareness, MDA), le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (Intelligence surveillance and reconnaissance, ISR) devant être intégrés dans les stratégies de sécurité nationale. Il était plus facile d’observer à partir d’un Key Hole que d’un U2 quand les satellites restaient hors d’atteinte.

Cependant, le développement des technologies antisatellite (ASAT) s’est accéléré ces dernières années. Aveuglement à partir de stations basées au sol, missiles, voire énergie cinétique, les méthodes se multiplient. En janvier 2007, la Chine avait détruit un satellite météorologique lui appartenant à plus de 800 kms d’altitude, les États-Unis ont fait de même, tout comme l’Inde récemment, multipliant les débris spatiaux alors que le nombre croissant de satellites de toutes tailles fait craindre une congestion.

L’espace comme atout pour l’Europe, une prise de conscience

En octobre 2016, la Commission avait proposé une nouvelle stratégie spatiale pour l’Union européenne afin que celle-ci, divisée en quatre ensemble, puisse gagner en cohérence et en efficacité et tirer parti de tous les avantages que procure la maitrise de l’espace extra-atmosphérique. En effet, le budget européen consacré à l’espace est le deuxième plus grand budget public au monde, mais les activités spatiales sont réparties entre les États membres, l’Agence spatiale européenne (qui n’est pas une institution européenne), l’organisation européenne pour l’exploitation de satellites météorologiques (EUMETSAT) et l’Union européenne.

La stratégie spatiale européenne

Dans sa proposition, la Commission souhaitait :

  • Maximiser les avantages que représente l’espace pour l’Europe en exploitant son potentiel dans la définition des politiques économiques et en facilitant l’accès aux données spatiales aux utilisateurs publics et privés,
  • D’européaniser un secteur de plus en plus compétitif en favorisant un secteur spatial européen innovant afin de diminuer la dépendance à des « technologies et composants critiques non européens »,
  • Garantir la liberté d’action européenne en renforçant et en sécurisant un accès autonome à l’espace,
  • Favoriser la coopération internationale afin de renforcer le rôle de l’Europe en tant qu’acteur mondial de premier plan dans le domaine spatial.

Copernicus, le système d’observation de la terre, Galiléo, le système mondial de navigation par satellite et EGNOS, qui fournit des services de navigation, n’étaient que les trois programmes phares d’une politique spatiale européenne mais ce sont ceux qui, par leur importance stratégique, correspondent à la fois aux ambitions définies par la stratégie de la Commission en 2016 mais aussi à la « Commission géopolitique » voulue par Ursula von der Leyen.

Une stratégie par phase

Ainsi, depuis octobre 2016, les instances européennes définissent le programme spatial européen pour la période 2021-2027. Déjà en septembre, la Commission avait présenté son plan pour la période 2020-2024 concernant l’organisation de l’industrie de défense et l’espace afin de créer une synergie entre les différentes directions générales, dont la DG DEFIS (Defence Industry and Space), la DG CNECT (Communications Networks, Content and Technology) et la DG GROW (Internal Market & Industry). L’objectif est là aussi de renforcer l’autonomie stratégique européenne et soutenir l’idée d’une « commission géopolitique » (voir le document ici).

Les éléments de l’accord

Ce 16 décembre dernier, l’accord (qui doit encore être approuvé politiquement par le Conseil et intégré au budget 2021-2027) a défini les orientations et le financement de la phase 2021-2027 du programme spatial européen.

Les objectifs généraux restent ceux définis dans la stratégie spatiale. Pour les atteindre, l’accord entérine trois axes majeurs :

  • Clarifier et rationaliser le cadre juridique de l’UE en matière spatiale,
  • Augmenter le budget consacré à l’espace afin qu’il soit en accord avec les ambitions affichées et renforcer le programme SSA,
  • Définir des règles de gouvernance du programme spatial de l’UE.

Cela, avec un budget sur la période de 9.1 milliards d’euros pour Galileo et EGNOS, 5.42 milliards d’euros pour Copernicus et 441 millions d’euros pour le programme SSA et Govsatcom.

Dans le document issu de l’accord, et avant la présentation des articles, 99 propositions résument les actions qui seront entreprises, et dans quel cadre :

  • (4) et (26) qui exposent les grandes lignes des réformes nécessaires afin d’assurer un accès autonome à l’espace, principalement rationaliser les systèmes de lancement (Ariane, Vega) et les infrastructures afin d’en diminuer les couts et d’augmenter la Recherche/développement. Néanmoins, cela doit se faire en accord avec les États membres,
  • (5) la création de « Hubs spatiaux » au niveau régional et national afin d’améliorer le développement des technologies requises en facilitant l’accès de l’entrepreneuriat à ce domaine,
  • (6) La participation des organisations relevant du programme spatial de l’UE à des coopérations internationales tant que cela peut lui profiter,
  • (15) Tout programme dont les finances proviennent du budget de l’UE doit être conforme aux règlements européens. Dans le cas du Brexit (le Royaume-Uni reste membre de l’ESA tout comme l’est la Suisse) ou des partenariats étrangers, cette proposition peut avoir son importance,
  • (28) La volonté de créer une agence européenne, l’European Union Agency for the Space Programme (EUSPA) malgré les risques de doublon avec l’ESA, la proposition 29 s’attelant à définir un cadre de coopération avec cette dernière,
  • (34) L’utilisation de l’espace comme outil pour renforcer la sécurité de l’Europe en établissant, en accord avec les États membres, une gouvernance commune afin de favoriser la coopération entre eux. Il y est fait mention de la cybersécurité dont nous présenterons la stratégie dans la deuxième partie (Espace et cyber, deux éléments de l’autonomie stratégique européenne – B – La cybersécurité).

Ensuite, les programmes phares sont abordés (Galiléo, EGNOS et Copernicus propositions 39 à 61) et leurs rôles dans la politique spatiale. En lien avec ces programmes, leur utilité pour la SSA (Space Situational Awareness) et SST (Space Surveillance and Tracking) (propositions 62 à 71), le système Govsatcom (propositions 72 à 85) et diverses propositions réglementaires et administratives concernant l’EUSPA ou EGNOS (propositions 86 à 99).

Pas d’autonomie stratégique sans autonomie spatiale

Une publication de la SEDE (la sous-commission sécurité et défense du Parlement européen) et de l’EUISS s’intéresse justement au rôle que l’espace pourrait jouer dans cet objectif majeur de l’Union européenne. Marqué par un certain scepticisme à ses débuts, le programme spatial européen au sens large peut s’enorgueillir de belles réussites et si la volonté de l’Union européenne de mettre en place une véritable stratégie spatiale est forte, le contexte sanitaire et la crise économique font peser une menace sur les investissements nécessaires.

C’est pourquoi la SEDE présente un rapport dans lequel il met en avant les avantages d’une autonomie dans ce domaine, mais aussi des risques encourus en cas de retard. L’UE doit s’attaquer à un premier problème, elle veut une autonomie stratégique, mais son programme spatial dépend de deux agences non UE, l’ESA et l’EUMETSAT. Dans cette optique, est-ce que l’EUSPA lui offrira cette possibilité ou le fait de devoir travailler avec deux agences ralentira l’ensemble du programme ?

The European space sector as an enabler of EU strategic autonomy

Le rapport préconise trois axes afin d’assurer à l’UE une autonomie complète dans l’espace :

1 – La nécessité de poursuivre, voir accroitre, les investissements publics dans l’optique de mener de nombreuses missions et multiplier la présence européenne parmi la constellation de satellites,

2 – L’investissement doit aussi permettre de développer de nouvelles technologies comme de nouveaux lanceurs, types de satellites et la mise au point de la communication quantique comme le souhaite la Commission européenne (voir cet article qui en reprend les grands principes),

3 – développer des capacités spatiales à double usage qui offrent la possibilité de les utiliser à des fins militaires en accord avec le Strategic compass, projet présenté par l’EEAS/SEAE en novembre dernier.

Après une introduction, les arguments sont présentés dans 3 chapitres :

2 – « Understanding space and strategic autonomy » qui précise le concept d’autonomie stratégique, comment il pourrait s’appliquer à l’espace et comment les acteurs européens perçoivent l’utilisation de l’espace.

3 – « The EU as an autonomous space sector » qui présente l’importance du domaine spatial pour l’économie européenne et sa sécurité ainsi que les réussites qui permettent de la définir comme un des leaders mondiaux de l’exploration spatiale.

4 – « Advancing EU autonomy in space » liste les défis que l’UE va devoir relever, et dans quels domaines, afin de défendre ses intérêts.

À travers cette étude, on peut voir que l’UE a bien perçu l’intérêt des activités spatiales pour sa sécurité et son économie, mais que, sans investissements permettant le développement de nouvelles technologies et un soutien politique fort, l’UE pourrait perdre le peu d’autonomie qu’elle a gagné ces dernières années. En effet, l’espace est à la fois un prolongement de la géopolitique terrestre et une frontière technologique qui doit être repoussée en permanence. L’UE doit donc clarifier l’usage qu’elle veut faire de l’espace, en particulier dans le domaine militaire, et se doter d’une solide industrie spatiale.

Pour aller plus loin :

L’espace extra-atmosphérique et l’Asie sur Chroniques d’Asie et d’Europe

Une stratégie spatiale pour l’Europe

Programme spatial de l’UE: la présidence du Conseil parvient à un accord politique avec le Parlement européen

En anglais :

The European space sector as an enabler of EU strategic autonomy

Strategic Plan 2020-2024

Towards a Strategic Compass