Les Relations entre l’Union indienne et la République populaire de Chine de leurs créations à nos jours. 1947-2011

Mémoire de Master 2 Histoire présenté en 2011 à l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense

Problématique :
Comprendre la relation sino-indienne du monde post-guerre froide par l’étude de leur relation bilatérale. Marquée par un rapprochement idéologique furtif avant que des contentieux en partie hérités de la période coloniale mettent en lumière leur opposition, il s’agit d’étudier leur relation bilatérale, avec un point particulier sur le conflit frontalier de 1962, mais aussi celles que les deux géants asiatiques entretiennent avec le reste du monde ainsi que de présenter les moyens leur permettant de soutenir leurs ambitions internationales, forces armées, industries de défense et service de renseignements.

Résumé

La fin de l’ordre bipolaire a entraîné l’évolution des affaires mondiales tout comme l’apparition de puissances qualifiées d’émergentes, porteuses d’un potentiel de développement économique et militaire, semble augurer une mutation de l’état du monde et des rapports de forces internationaux. Dans ce contexte, l’étude des relations sino-indiennes nous permet d’entrevoir la place qu’ils revendiquent dans un monde qu’ils veulent multipolaire et plus égalitaire. Leurs relations bilatérales, mais aussi celles qu’ils entretiennent avec d’autres pays ou d’autres régions du globe, nous éclairent sur la place que l’Inde et la Chine occupent aujourd’hui. Cela nous permet de discerner les interactions et les interdépendances qui se manifestent dans la conduite de leurs politiques étrangères et leurs conséquences sur la scène internationale.

La première partie s’interroge sur les moyens dont disposent l’Inde et la Chine pour asseoir leurs prétentions, cela concerne à la fois leurs capacités militaires, celles de leurs industries de défense, leurs différents programmes de recherche ainsi que leurs services de renseignements, tous ces domaines entrant dans le cadre du pouvoir de coercition, de la puissance chez les Réalistes. Même si cet aspect très martial semble déplacé dans un travail qui étudie les relations sino-indiennes, il constitue un des socles de la redéfinition de leurs politiques étrangères et ce sont ces attributs de la puissance qui, couplés à une croissance économique, influeront sur la conduite des relations internationales. D’une diplomatie du « mégaphone » de la deuxième moitié du XXe siècle, l’Inde, la Chine et l’Asie vont, peu à peu, réussir à se faire entendre sur une scène mondiale en mutation. On retrouvera aussi dans cette première partie les bases du premier contentieux, la question frontalière. Problème compliqué à la fois par les troubles politiques et les influences étrangères qu’ils ont connu au cours de leur histoire contemporaine et qui débouchera sur une tension persistante encore aujourd’hui. À cette question de frontières s’ajoutent aujourd’hui d’autres divergences, mais aussi des points de convergence qui seront étudiés dans la deuxième et la troisième partie.

La deuxième partie retrace l’histoire de leur politique étrangère et ses différents fondements, éléments indispensables pour comprendre le redéploiement auquel nous assistons depuis la fin du XXe siècle. En effet, depuis qu’elles forment des nations indépendantes, l’Inde et la Chine connaîtront une succession d’orientations influencées à la fois par la politique intérieure, mais aussi par un environnement international marqué par la Guerre froide, le schisme sino-soviétique, les antagonismes régionaux et la dissolution de l’URSS. Des aspirations internationalistes manifestées dès le début des années 1950, avant Bandung, les dirigeants chinois et indiens tenteront d’abord de s’accorder pour qu’une Asie encore partiellement colonisée revienne sur le devant de la scène

internationale. Les tensions sino-indiennes auront raison du lien très important que l’Inde et la Chine avaient jusque-là, mais, de part et d’autre, le rêve d’une résurgence asiatique sera toujours présent. Il se manifeste aujourd’hui sous une forme différente, mais il est lié au Mouvement des non-alignés et, de manière plus générale, à l’« internationalisme tiers-mondiste ». Dès lors, on peut constater une interdépendance qui donnera aux politiques étrangères indiennes et chinoises l’image d’une tentative de containment de part et d’autre par la formation d’axe spécifique, comme l’axe sino-pakistanais, le rapprochement indo-soviétique ou les luttes d’influence auxquelles se livreront Pékin et New Delhi dans leur environnement immédiat.

D’où l’étude de l’état des rapports qu’ils entretiennent avec les pays en Asie du Sud, l’Himalaya, le Pakistan et la baie du Bengale, mais aussi l’Afghanistan qui, bien que n’ayant aucune frontière commune avec l’Inde, jouera un rôle dans les relations sino-indiennes. Pour conclure cette deuxième partie, le dernier chapitre sera consacré à l’étude de leurs diasporas, leurs histoires et leurs représentativités aujourd’hui. Auparavant unies par des liens culturels plus ou moins denses, la question est de savoir si elles ont une place aujourd’hui dans la politique étrangère de leur pays d’origine. Avec les bouleversements politiques et la révolution des nouvelles technologies, nous sommes en effet loin du temps des coolies, mais elles ont eu à affronter de nombreuses épreuves qui allaient bien au-delà de l’intégration dans leur terre d’accueil. Entre une politique indienne de non-alignement qui tend à les tenir à l’écart et la division d’une Chine en deux patries, leur loyauté a été mise à rude épreuve.

La troisième et dernière partie portera sur les relations que l’Inde et la Chine entretiennent avec les pays du Nord et les pays du Sud. Le premier chapitre s’interrogera sur les liens afro-asiatiques selon trois axes, une histoire et un état des lieux du tiers-mondisme et des rapports Sud-Sud contemporains et leurs déclinaisons régionales en s’intéressant à l’Asie du Sud-Est et l’Afrique. De Bandung aux BRICS, d’une Asie du Sud-Est confrontée à la guérilla communiste avant de connaître un développement économique et une construction régionale, pour finir par l’Afrique, continent à la fois témoin et acteur de la lutte entre les deux blocs et aujourd’hui convoité par l’Asie, ces trois axes d’étude permettent de dresser un tableau des revendications afro-asiatiques d’aujourd’hui. Le deuxième chapitre portera sur les rapports entre les deux puissances « émergentes » avec l’Europe, les États-Unis et l’URSS/Russie. Leur étude permettra de comprendre certains points des politiques étrangères menées par l’Inde et la Chine, du traité d’alliance indo-soviétique à l’accord indo-américain sur le nucléaire civil, la formation d’un triangle RPC/URSS/États-Unis et la place de l’Europe dans ces équations. Le dernier chapitre s’interrogera sur d’autres parties du monde, comme l’Asie orientale, l’Asie centrale, le Moyen-Orient et l’Amérique latine, et leurs influences sur la relation sino-indienne.