En Asie du Sud

En Asie du Sud

Le sous-continent et la baie du Bengale sont au cœur du système de sécurité indien tandis que l’Himalaya fait figure de frontière naturelle entre

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En Asie du Sud

L’AfPak, Pakistan et Afghanistan

Pakistan L’Inde et le Pakistan Les politiques extérieures menées par l’Inde ou le Pakistan se définissent souvent l’une en fonction de l’autre avec en

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La baie du Bengale

La baie du Bengale est d’un intérêt stratégique pour l’Inde. Elle y est présente avec les îles Andaman-et-Nicobar et entretient avec les pays de la région des relations en dent de scie. Pourtant, cette zone est une charnière entre l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-est et l’Inde avait tout à gagner en entretenant de bonnes relations avec son voisinage. Cependant, l’intervention au Pakistan oriental se retournera contre elle, son idéalisme politique perturbera ses relations avec la Birmanie et sa politique interventionniste au Sri Lanka aura des conséquences désastreuses. Traditionnellement un espace où les intérêts indiens étaient les mieux gardés, l’océan indien voit depuis les années 1970 l’incursion de la RPC, l’Inde réagissant dans les années 1990 avec la Look East Policy. Cependant, l’impact de la Belt Road Initiative tend à faire pencher la balance en faveur de la RPC dont l’influence aux Maldives et au Sri Lanka devient prépondérante.

Le Bangladesh

Culturellement proches, New Delhi et Dacca signent un traité de paix, d’amitié et de coopération dès mars 1972. Le Bangladesh devient une démocratie parlementaire avec Mujibur Rahman comme Premier ministre, mais en août 1975, il sera assassiné par des officiers militaires qui instaureront un régime décidé à remettre en cause les liens privilégiés entretenus jusque-là avec l’Inde et l’URSS. C’est le début d’une ère de régime autocratique et militaire. Aussi, le changement qui s’ensuivit fut favorable à Pékin, et dès le 31 août, la RPC reconnaissait le Bangladesh, après avoir bloqué son admission à l’ONU jusqu’en septembre 1974. Les rapports sino-bangladais se renforcèrent, facilités par le soutien apporté au nouveau régime du général Ziaur Rahman et du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), par le Parti communiste local prochinois. Avec les différents régimes et les alternances démocratiques, les relations indo-bangladaises furent médiocres. Outre le problème des réfugiés présents sur le territoire indien, d’autres questions perturbaient les relations comme la définition de la frontière terrestre, parsemée d’enclaves héritées des tractations entre les anciens États princiers, mais aussi maritimes. Le problème du partage des eaux fut résolu en 1996 par un accord sur le Gange[1]Lamballe Alain, Là où l’Asie du Sud et du Sud-est se rencontrent, l’ombre de la Chine, Géostratégiques, 2008., mais comme dans le cas du Pakistan, les relations cordiales entretenues entre la Chine et le Bangladesh déplaisaient à l’Inde. Pour sa part, l’Inde a commencé en 2002 la construction d’une clôture sur une partie des 4090 km de frontières pour stopper l’immigration illégale et les infiltrations de militants.

Sheikh Hasina, Première ministre du Bangladesh, s’est rendue en Inde en janvier 2010 et la déclaration commune faisait état de progression dans les discussions sur la coopération bilatérale, les problèmes sécuritaires ainsi que l’octroi par les Indiens d’un prêt de 1 milliard de dollars pour développer les infrastructures au Bangladesh. De plus, l’Inde accepta le transit de ses marchandises vers le Népal et le Bhoutan, le Bangladesh autorisant l’accès au port de Chittagong et de Mongla aux Indiens. De nombreux points furent réglés lors de cette rencontre et une feuille de route fut établie, les relations indo-bangladaises s’améliorèrent après 40 années de discorde. Quant à la Chine, elle est très présente dans ce pays et particulièrement dans la deuxième ville du pays, Chittagong, par laquelle transitent les échanges commerciaux entre la RPC et le Bangladesh. La Chine fournit également une assistance militaire avec la livraison de chasseurs à l’armée de l’air. Un accord sur l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire a été conclu en avril 2005 ainsi que la possibilité pour le Bangladesh de bénéficier de certaines activités spatiales chinoises.

En 2016, la visite du Président chinois a renforcé les liens bilatéraux et permis la signature d’accords pour près de 40 milliards de dollars et Dacca voit dans la BRI une initiative intéressante pour soutenir sa croissance. La coopération militaire est elle aussi en expansion, le Bangladesh achetant principalement son équipement militaire à la Chine, dont deux sous-marins acquis en novembre 2016. Dacca doit cependant ménager son voisin d’où l’annulation en 2015 d’un accord sino-bangladais qui prévoyait la construction d’un port en eaux profondes à usage civil et militaire par une entreprise chinoise. En avril 2017, Delhi et Dacca signeront un accord de coopération sur la défense.

La Birmanie

La Birmanie fut placée sous autorité britannique au terme des guerres anglo-birmanes et ils favorisèrent l’immigration des Indiens pour administrer le pays, ceci aux dépens des cadres locaux, ce qui provoquera des rancœurs dans la population birmane et une agitation nationaliste. Après l’indépendance acquise en janvier 1948, le pays était déchiré par l’opposition armée des communistes, par l’insurrection des minorités ethniques et par l’irruption de bandes de Chinois nationalistes défaits par les troupes de l’APL. Le pays s’enferma dans l’isolement et la neutralité, refusant l’aide américaine, mais reconnaissant rapidement la RPC le 16 décembre 1949. C’est d’ailleurs avec la Birmanie que la RPC signa son premier accord de frontière en octobre 1960. Les contestations portaient sur deux secteurs autour de Bhamo et en 1956, la RPC et la Birmanie prirent l’engagement de régler pacifiquement le problème et les travaux de délimitation aboutirent en janvier 1959. Le traité fut signé à Pékin en octobre 1960, l’Inde signant un traité similaire en 1967. Sur le plan intérieur, après que la direction du pays fut assurée jusqu’en 1958 par un ancien cadre du mouvement d’indépendance Thakin, U Nu, des troubles internes et des coups d’État successifs amenèrent en septembre 1988 le « Comité d’état pour la restauration de la loi et de l’ordre » au pouvoir et, depuis, le pays est dirigé par un gouvernement militaire autoritaire.

Quant à la position chinoise, après avoir été tentée d’instrumentaliser les groupes séparatistes proches de la frontière sino-birmane pour contrôler les provinces où s’était réfugié le Guomindang, elle choisit l’interventionnisme économique, par la construction de nombreuses routes, et un soutien au nouveau régime en lui accordant une protection diplomatique à l’ONU. En effet, la RPC voit dans la Birmanie une voie d’accès à l’océan Indien, un débouché par voie terrestre de l’autre côté de la péninsule indochinoise, un poste d’observation de l’Inde, un port escale pour sa marine (Hainggyi) et un fournisseur d’énergie. Elle a construit l’une des plus importantes centrales hydroélectriques du pays à proximité de la nouvelle capitale, Nay Pyi Taw, et les Chinois contrôlent une bonne partie de l’économie grâce au soutien des généraux au pouvoir. Pékin tient donc à son amitié et ne craint pas d’entraîner son armée ni de lui fournir de l’équipement militaire, profitant du retrait relatif des pays occidentaux qui expriment des réserves à l’égard du régime militaire birman.

Pour sa part, l’Inde avait en premier lieu soutenu le mouvement démocratique d’Aung Suu Kyi, vainqueur des élections de 1990, avant d’accueillir un gouvernement d’opposition birman sur son sol en 1992. Aussi, en dépit du fait que la Birmanie tenait une place importante dans le système sécuritaire de l’Inde, elle choisit de soutenir l’opposition. La réponse birmane ayant été d’interrompre la coopération antiterroriste, l’Inde choisit de désarmer le conflit en déclarant les opérations contre l’opposition « une affaire interne à la Birmanie ». New Delhi changea donc de position et préféra une stabilisation du régime, aux prises à la lutte entre les forces démocratiques et la junte militaire, plus à même de l’assister dans la lutte contre les séparatistes. C’était pour elle une nécessité, car les diverses insurrections nationalistes agitant ses États du Nord-Est profitaient à la fois de la complicité de Dacca, mais aussi du territoire birman, voire du gouvernement chinois et de bases arrière dans la province du Yunnan. Elle a donc renoué le dialogue avec la junte même si elle ne peut s’appuyer sur la communauté indienne qui n’occupe plus dans l’administration que des postes subalternes. Un projet de désenclavement mutuel a ainsi vu le jour avec la construction d’un chemin de fer et d’une route pour relier l’État indien de Manipur avec la Thaïlande, via Mandalay, dont un premier tronçon a été inauguré en 2001. La ville de Mandalay, seconde en importance après Rangoun, est située au point de convergence des routes transversales Ouest-Est qui sont susceptibles de relier l’Inde à la Chine. Ce réchauffement des relations indo-birmanes inclut un volet militaire, à la fois dans la lutte contre les trafics en tout genre, mais aussi dans la fourniture d’équipements pour ne pas laisser le champ libre à la RPC. Un exemple peut illustrer ce propos, la première frégate birmane construite sur son territoire reçut ses moteurs de Chine et son armement d’Inde.

Quant aux ressources énergétiques, gaz et pétrole, on assiste à une compétition entre la Chine et l’Inde. Dès 1853, l’Empire britannique importe du pétrole birman et en 1906, la Birmanie approvisionne l’ensemble de la Royal Navy et la moitié des besoins de l’Inde en pétrole. L’occupation japonaise, l’indépendance et l’action des groupes rebelles vont désorganiser cette industrie. L’arrivée au pouvoir du général Ne Win en 1962 et l’adoption de la doctrine dite de « la voie birmane vers le socialisme » ont pour effet immédiat la nationalisation de l’industrie pétrolière en 1963, dont les intérêts indiens, provoquant ainsi le départ des membres les plus influents de la diaspora indienne. Il faut cependant attendre 1988 pour que le pays s’engage dans une politique d’ouverture économique encadrée, dite du « libéralisme bouddhiste », qui se traduit par la recherche de partenaires étrangers pour assister son économie. Avec la répression du mouvement démocratique, ce seront les économies asiatiques qui se trouveront en position favorable pour investir dans l’industrie énergétique birmane, les pays occidentaux condamnant la répression. La découverte de gaz à Sittwe en 2004 suscite rapidement des convoitises et devient vite une nouvelle source de contentieux entre l’Inde et la RPC en raison du projet de gazoduc entre ce pays et Calcutta qui mettra du temps à voir le jour et finalement ce sera la RPC et la compagnie chinoise Petro China, qui obtiendront le contrat en décembre 2005. Naypyidaw profite des nouvelles routes de la soie, un avantage pour Pékin qui peut diversifier son approvisionnement en hydrocarbure, mais la Birmanie s’inquiète comme le Sri Lanka, de sa dette grandissante auprès de la Chine.

Le Sri Lanka

Le conflit entre Tamouls et Cinghalais qui déchire le Sri Lanka aura des conséquences sur la politique extérieure indienne. En effet, après les émeutes communautaires de juillet 1983 et les pogroms anti-tamouls, l’Inde fit savoir qu’elle n’accepterait pas qu’une assistance militaire étrangère soit utilisée contre les Tamouls, alors que Chinois et Pakistanais étaient soupçonnés par New Delhi de fournir des armes au Sri Lanka. Un accord indo-cinghalais sera signé en juillet 1987 entre Rajiv Gandhi et le président sri lankais Jayawardene. Il prévoyait des facilités stratégiques pour l’Inde dans le port de Trincomalee, des concessions sous la forme de l’autonomie d’une province tamoule en contrepartie de l’assurance de l’intégrité territoriale de l’île et du maintien de l’ordre par une force indienne chargée d’assurer la paix dans le nord. Après le départ des Indiens en 1990, le pays s’enfonce dans la guerre civile avec de nombreux assassinats de personnalités politiques. La présidente Kamuratunga, élue en 1994, avait de bons rapports avec l’Inde, mais lorsque New Delhi refusera de lui octroyer une nouvelle aide militaire en 2000, le Sri Lanka se tournera vers la Chine avec qui elle avait établi des relations diplomatiques en 1957 et signera un partenariat de coopération en 2005. Remplaçant les États-Unis qui avaient mis fin à leur assistance militaire pour cause d’atteintes aux droits de l’homme, la fourniture d’équipements militaires chinois permettra au Sri Lanka de venir à bout des Tigres tamouls en mai 2009. De plus, ce rapprochement sino-sri lankais permit à la marine chinoise de faire escale dans le port d’Hambantota (dont elle finança la modernisation) pour protéger ses lignes maritimes. Cela ne manqua pas d’inquiéter l’Inde qui, à l’occasion du quinzième sommet de la SAARC à Colombo en août 2008, s’est entretenue avec les responsables sri-lankais pour relancer la coopération bilatérale. Le 21 juillet 2011, un protocole d’entente et un accord pour la construction d’un port, celui de Kankesanthurai, dans le nord de l’île ont été signés entre l’Inde et le Sri Lanka. C’était sans compter sur les investissements que les autorités du Sri Lanka ont financés avec le soutien des banques chinoises, le pays ayant accumulé une dette de plus de 8 milliards de dollars en 2018. Cela facilita l’obtention d’une concession de 99 ans à l’entreprise chinoise China merchants sur le port de Hambantota en décembre 2017.

Les Maldives

Pays insulaire de l’Asie méridionale et officiellement constitué en République islamique, elles ont accédé à l’indépendance en 1965 après avoir été un protectorat britannique depuis 1887. En 1988, les troupes indiennes ont été appelées pour s’opposer à un coup de force de mercenaires tamouls faisant de l’Inde le gardien de la stabilité de l’archipel. Avec la Chine, les relations diplomatiques furent établies en 1972 et les Maldives ont toujours soutenu la position chinoise sur la question tibétaine. Depuis 2009, malgré l’inclusion de l’archipel dans la zone de contrôle de la marine indienne en lutte contre la piraterie, les relations ont commencé à se dégrader entre Delhi et Male. Par exemple, la suspension en 2012 de la concession accordée à un groupe indien pour la gestion de l’aéroport dont l’exploitation sera confiée en 2014 à une entreprise chinoise lors de la visite du Président chinois dans l’archipel. En décembre 2017, la Chine et les Maldives signeront un accord de libre-échange, le « pont de l’amitié » sera construit par la Chine entre la capitale et l’aéroport et un atoll sera aménagé pour pouvoir accueillir des unités de la PLA-N. Pour tenter d’endiguer l’influence chinoise dans l’océan indien, l’Inde signera en 2015 un partenariat avec les Seychelles, réévalué en 2018, qui prévoyait la modernisation d’infrastructure sur l’île ainsi que la construction d’une base militaire à destination de la marine indienne. En mars 2018, l’Inde a signé un accord avec la France pour permettre aux forces armées indiennes d’accéder aux bases maritimes françaises (Réunion, Djibouti et Émirats).

Références

Références
1Lamballe Alain, Là où l’Asie du Sud et du Sud-est se rencontrent, l’ombre de la Chine, Géostratégiques, 2008.