Les tensions sino-indiennes

Conséquences régionales et internationales

Nehru mit en difficulté  Après la guerre, Nehru subit d’importantes critiques et fut désigné comme responsable pour n’avoir pas anticipé l’attaque chinoise et pour

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Les tensions sino-indiennes

Le dessous des cartes

Les influences étrangères En dehors des discussions sino-indiennes, d’autres facteurs interviennent durant cette période. Tout d’abord, les tensions deviennent de plus en plus fortes

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Les tensions sino-indiennes

Les premiers accrochages

L’insurrection tibétaine et la relation sino-indienne Après l’insurrection tibétaine de mars 1959 et l’arrivée du Dalaï-lama en Inde le 3 avril, l’APL se lance

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Chronologie du Tibet entre Inde et Chine de 1950 à 1959

L’irruption du Tibet dans la relation sino-indienne

Le retrait des Britanniques et l’émergence de nouveaux régimes en Inde et en Chine amenèrent un changement dans l’équilibre en Asie. La nouvelle République indienne ne fit guère attention aux problèmes frontaliers avec la Chine durant les deux premières années de son existence, car elle était occupée par le Pakistan et la question du Cachemire[1]En 1947, des troubles dans la population musulmane s’y manifestèrent et le maharajah requit l’aide de l’Inde. L’Inde envoya des troupes et le Pakistan fit de même, des combats … Continue reading. En 1950, l’attention de l’Inde se porta sur la Chine, deux événements importants allaient l’y pousser.

Premièrement, le 7 octobre l’APL traversa la frontière sino-tibétaine et avança sur Chamdo, à environ 500 km à l’est de Lhassa, où les troupes tibétaines furent défaites. Le gouvernement indien protesta contre ce qu’il voyait comme une utilisation abusive et inutile de la force. Il recherchait au travers de protestations diplomatiques à limiter, voir à empêcher l’occupation du Tibet par l’Armée populaire de libération. New Delhi cherchait également à défendre les droits de ses ressortissants, hérités des Britanniques et conclus avec l’ancienne République de Chine. Ces droits comportaient des missions commerciales, des postes de télécommunications et la possibilité d’installer de petits contingents militaires pour garder ces établissements dans plusieurs villes tibétaines. À la fin de 1950, la Chine contrôlait la majeure partie du Tibet, Pékin promit à Nehru que l’occupation du Tibet serait pacifique et que l’APL ne marcherait pas sur Lhassa, c’est pourquoi l’Inde bloqua un appel en faveur des Tibétains à l’ONU. De nombreux gouvernements, États-Unis inclus, mais aussi les Britanniques et le Moyen-Orient étaient enclins à suivre la position de l’Inde sur cette question et l’opposition indienne était un facteur important pour ne pas le prendre en considération. En mai 1951, la Chine capture le gouverneur de la province tibétaine de Chamdo. Elle revient sur sa promesse en lui faisant signer l’accord sino-tibétain en 17 points qui donne aux Chinois le contrôle des affaires militaires, de l’administration et des relations extérieures et intègre l’armée tibétaine à l’armée chinoise[2]Accord signé à pékin le 23 mai entre le gouverneur de Chamdo et le gouvernement de la République populaire de Chine. L’esprit de cet accord était pour Pékin que le Tibet reconnaisse la … Continue reading. L’APL entre à Lhassa le 26 octobre 1951, Nehru réagit en envoyant des délégués réaffirmer la souveraineté indienne sur la passe de Tawang.

Deuxièmement, à la même période, la Chine apporta son soutien à la Corée du Nord dans le conflit coréen. Tandis que cette aide coûtait militairement et économiquement cher à la Chine, le relief montagneux coréen fournissait un cadre d’entraînement idéal pour des combats en montagne, une expérience que les troupes chinoises mettraient à profit dans le conflit de 1962. L’Inde choisit de soutenir diplomatiquement la Chine et s’opposa en novembre à une résolution de l’ONU désignant la République populaire de Chine comme l’agresseur. Les relations entre les deux pays étaient plutôt bonnes au début des années 1950 et la frontière resta calme. Le gouvernement indien voulait maintenir des relations cordiales et il fut un des premiers à reconnaître la RPC le 30 décembre 1949, et le deuxième État non socialiste à le faire après la Birmanie. L’Inde approvisionnait le Tibet en nourriture, carburant et biens primaires qui étaient essentiels pour contrôler l’inflation créée par l’accroissement de la demande dû aux nombres importants de soldats chinois et d’ouvriers de travaux publics dans une zone d’économie de subsistance.

L’idée de pourparlers sino-indiens

En septembre 1951, Zhou Enlai suggéra des discussions pour stabiliser la frontière tibétaine, l’Inde en accepta le principe, mais elles ne commencèrent pas avant trois ans. En avril 1954, l’Inde et la Chine signèrent un accord important sur le commerce, les voyages et la représentation entre l’Inde et la région chinoise du Tibet. Par cet accord, les deux pays s’engageaient à respecter les « cinq principes de coexistence pacifique »[3]Respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, Non-agression, Non-ingérence dans les affaires intérieures de l’autre état, Egalité, Coexistence pacifique., le Panchsheel, et de négocier pour régler leurs différends. L’Inde reconnaissait la souveraineté chinoise sur le Tibet[4]Le Tibet y était désigné comme la « région tibétaine de Chine ». et changea en septembre 1952 le statut de sa mission diplomatique à Lhassa en consulat général. Le départ des 200 soldats indiens qui protégeaient les comptoirs commerciaux et l’accord sur la cession à la Chine des lignes télégraphiques indiennes au Tibet pour le 1er avril 1955 mit fin aux droits spéciaux. Le gouvernement indien encouragea alors le Dalaï-lama et le gouvernement local tibétain à défendre l’autonomie en vertu de l’accord en 17 points de 1951.

L’accord de 1954 ne mentionnait pas les problèmes frontaliers, il désignait uniquement six cols dans le secteur central (entre le Ladakh et le Népal) qui serviraient pour le commerce, mais sans définir de frontières. C’est le début de la campagne de Nehru « Hindi Chini Bhai Bhai » que l’on peut traduire par « les Indiens et les Chinois sont frères ». Le but de Nehru était de créer un lien fort entre la Chine et l’Inde pour pouvoir régler la question du Tibet et trouver un compromis, mais aussi former un axe asiatique entre les deux pays. Le 1er juillet, Nehru demande que les cartes indiennes soient clarifiées et qu’il n’y ait plus de mentions « marquage indéfini » à l’ouest comme cela était le cas auparavant, notamment dans des cartes de 1949 et 1950. Les cartes officielles indiquent alors clairement la frontière sur les lignes McMahon et Johnson-Ardagh. Il visita Pékin en octobre 1954 et souleva la question des frontières indiquées sur les cartes chinoises qui incluaient 120000 km² de territoires indiens. Zhou Enlai lui assura que les cartes du Guomindang n’avaient pas encore été révisées, mais que cela serait fait prochainement et en 1956, il déclara que la Chine n’avait pas de contentieux territoriaux avec l’Inde.

Cependant, à partir de 1954, la pression de Pékin s’accrut au Tibet et le mécontentement grandit parmi la population, particulièrement dans la tribu Khamba vivant à l’est autour de Chambo. Des troubles dans cette zone auraient compromis les lignes de communications, l’armée chinoise commença la construction d’une route militaire entre l’ouest du Xinjiang et l’ouest du Tibet, directement sur le plateau de l’Aksaï Chin. Comme nous l’avons vu auparavant, c’est une région revendiquée par les deux pays qui se situe au sud de la ligne Johnson-Ardagh mais que les Chinois considèrent comme chinoise, car elle se trouve au nord des Karakoram et de la ligne Macartney/Macdonald, même si un traité concernant cette ligne n’avait jamais été signé.

La construction de cette route de 1200 km, la Highway 219, dans des conditions difficiles dura de mars 1956 jusqu’à octobre 1957. Les premières mentions publiques de son existence paraissent en mars 1957, un an après le début de la construction. Quand le 2 septembre 1957, Pékin annonce que la route va être finie en octobre et que le Quotidien du Peuple[5]Organe de presse officiel du comité central du Parti communiste chinois, créé en 1948. publie une carte, l’ambassade indienne à Pékin constate qu’elle passe en Aksaï Chin à travers un territoire cachemiri. L’Inde ne proteste pas immédiatement, car elle n’est pas sûre du tracé, la carte chinoise étant floue. Ce n’est qu’en avril 1958 que Nehru décide d’envoyer deux missions de reconnaissance pour en connaître la position exacte, mais aussi capturer si possible un petit groupe de Chinois que la patrouille ramènerait à Leh[6]Capitale administrative du district du Ladakh. pour interrogatoire et si l’opposition était plus importante, d’informer le commandant chinois qu’il se trouvait en territoire indien. Les patrouilles commencent à partir de juin et une est détenue par l’APL à partir de septembre. Le 3 novembre, Pékin écrit à New Delhi indiquant que la patrouille sera libérée, mais insiste sur le fait qu’elle s’était introduite en territoire chinois. Le 8, les Indiens sont certains que le gouvernement central de Pékin a des vues sur l’Aksaï Chin et sont mis devant le fait accompli, l’APL ayant le contrôle de la route. Le gouvernement indien ne protestera officiellement que le 18 octobre 1958, les Chinois utiliseront ce délai pour clamer que New Delhi ne contrôlait pas l’Aksaï Chin.

La pression s’accentue sur le gouvernement indien

La revendication chinoise et la capture de la patrouille ne soulèvent pas pour l’instant l’opinion publique, mais les relations se refroidissent à partir de 1958 et plus encore après les difficultés que Nehru rencontre pour être autorisé à voyager au Tibet, ce qu’il ne fera qu’à l’automne. Le 14 décembre 1958, sous la pression du parlement indien, Nehru écrit à Zhou Enlai lui demandant la révision des cartes chinoises en insistant sur la NEFA et lui rappelle sa déclaration comme quoi il n’y avait aucun conflit frontalier, en effet une carte chinoise de juillet 1958 montrait une nouvelle fois des territoires revendiqués par l’Inde comme faisant partie de la RPC. Dans sa réponse du 23 janvier 1959, Zhou Enlai indique que les frontières n’ont jamais été officiellement définies et que la ligne McMahon n’a jamais été reconnue par le gouvernement central chinois quel qu’il soit, revendiquant alors officiellement la NEFA, et que l’Aksaï Chin a toujours été sous juridiction chinoise et régulièrement patrouillé par des troupes chinoises. Il admettra ainsi qu’il y a bien un problème de frontière entre l’Inde et la Chine contrairement à sa déclaration de 1956. Il ajoutera que les cartes anciennes étaient précises sur la plupart des points et qu’il y aurait des difficultés pour les changer, le peuple chinois se sentant également offusqué par les cartes indiennes. Il propose une étude des frontières pour parvenir à un accord et que les deux parties maintiennent le statu quo en attendant pour éviter les accrochages. Ce mot n’aura pas le même sens dans les deux pays.

Par statu quo, Zhou Enlai entendra que les deux pays doivent rester sur les positions qu’ils occupent actuellement, positions qui incluent le contrôle de la route par l’APL, alors que Nehru comprendra par cette formule les anciennes positions. Entre-temps, le chef de l’armée de terre indienne, le général K.S. Thimayya, avait indiqué à Nehru que l’Aksaï Chin n’était pas stratégiquement important, que tous les vice-rois des Indes avaient préféré la ligne des Karakoram plutôt que celle des Kunlun, plus difficile à défendre. L’insurrection tibétaine qui couvait depuis plusieurs mois éclate le 10 mars 1959 à Lhassa, l’action de l’APL attire l’attention de la presse indienne et il devient de plus en plus difficile pour Nehru de continuer les discussions uniquement par voie diplomatique.

Références

Références
1En 1947, des troubles dans la population musulmane s’y manifestèrent et le maharajah requit l’aide de l’Inde. L’Inde envoya des troupes et le Pakistan fit de même, des combats s’ensuivirent qui durèrent jusqu’en décembre 1948. En janvier 1949, l’ONU imposa un cessez-le-feu et une frontière fut tracée, mais les tensions persistèrent. En 1954, le Cachemire deviendra un état à part entière de l’Union indienne et il sera encore la cause de deux guerres indo-pakistanaises en 1965 et en 1971.
2Accord signé à pékin le 23 mai entre le gouverneur de Chamdo et le gouvernement de la République populaire de Chine. L’esprit de cet accord était pour Pékin que le Tibet reconnaisse la souveraineté chinoise. Il fut signé sous la contrainte.
3Respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, Non-agression, Non-ingérence dans les affaires intérieures de l’autre état, Egalité, Coexistence pacifique.
4Le Tibet y était désigné comme la « région tibétaine de Chine ».
5Organe de presse officiel du comité central du Parti communiste chinois, créé en 1948.
6Capitale administrative du district du Ladakh.