Chindia

Une Chindia, vraiment ?

De leurs premières discussions bilatérales au début des années 1950 à celles qui ont permis au dialogue de reprendre après les vicissitudes de l’après-guerre,

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Coopération ?

La visite de Narayanan ramena un peu de réalisme et de modération dans les relations sino-indiennes. Il rappela la pensée de Gandhi qui disait

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L’état des relations aujourd’hui

En octobre 2013, le Premier ministre indien, Manmohan Singh, et son homologue chinois, Li Keqiang, signèrent à Pékin un accord de coopération concernant leurs

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Ou compétition ?

Malgré des rencontres fréquentes, il reste des points controversés et des contentieux à régler entre les deux nations. Tout d’abord, le problème des frontières et des revendications territoriales. Il faut garder à l’esprit que très peu de commentaires sont faits sur les négociations en cours, la dernière rencontre des représentants politiques spéciaux sur ce sujet a eu lieu en novembre 2010, la quatorzième[1]Saalman Lora, Divergence, similarity and symmetry in sino-indian threat perceptions, 2011.. Cependant, depuis que ces rencontres ont été mises en place, nous avons déjà évoqué quelques déclarations qui avaient semé le trouble dans les relations sino-indiennes.

Il n’y eut pas de rencontres de haut niveau en 2007, mais le Premier ministre indien se rendit à Pékin en janvier 2008 pour une courte visite de trois jours sans grands enjeux. Il insistera sur l’économie tandis que la chambre de commerce indienne s’inquiétait de plus en plus des secteurs du marché indien que les entreprises chinoises dominaient largement, particulièrement dans les produits manufacturés. Ce quasi-monopole entraînait l’affaiblissement des pôles nationaux de production et malgré le fait que ce déséquilibre ait été évoqué en 2003 et en 2005, rien ne semblait le résorber. Désormais, l’aspect économique et les déficits pouvaient devenir une nouvelle source de contentieux si rien n’était sérieusement fait pour le régler. À la fin de cette visite, ce ne fut pas une déclaration commune qui la conclut, mais un simple communiqué intitulé « A shared vision for the 21 st century » dans lequel, outre la nécessité de continuer leur coopération, rien de nouveau n’était avancé.

Avec la décision de faire progresser le partenariat économique, la question des frontières fut laissée à l’arrière-plan tandis que, de part et d’autre, le développement d’infrastructures inquiétait les deux parties. Outre la déclaration de l’ambassadeur chinois en Inde en 2006, plusieurs événements concernant le contentieux frontalier sont survenus ces dernières années. En mai 2007, la Chine refusa de délivrer des visas à des membres de l’Indian Administration Service de l’Arunachal Pradesh qui avaient pour mission de visiter la Chine avec une vaste délégation économique, sous prétexte qu’ils n’avaient pas besoin de visa, car ils étaient originaires d’un territoire chinois, la visite fut donc annulée.

La résurgence du problème frontalier

En juin de la même année, le ministre chinois des Affaires étrangères, Yang Jieqi, rencontra son homologue indien à Hambourg. L’article 7 de l’accord conclu en 2005 prévoyait que les discussions frontalières porteraient sur les zones inhabitées, or, il indiqua à cette occasion que la présence de populations dans les territoires disputés ne remettait pas en cause les revendications territoriales chinoises. Lors des élections indiennes d’octobre 2009, le gouvernement chinois fut mécontent de la visite du Premier ministre dans l’État d’Arunachal Pradesh. D’autre part, le chef d’état-major des forces armées indiennes a déclaré publiquement en décembre 2009 que l’armée indienne devait se préparer à une guerre sur deux fronts. À la fois être capable de surpasser rapidement le Pakistan pour éventuellement contenir la Chine. En juillet 2010, un nouveau cas de refus de visa par la Chine à un général indien responsable de la sécurité du Jammu-et-Cachemire mena à la suspension de la coopération dans le domaine de la défense.

Le développement des infrastructures de part et d’autre est également à prendre en compte, comme la ligne Golmud-Lhassa inaugurée en 2006, mais aussi le réseau ferroviaire qui s’approche de la frontière pakistanaise, la présence de militaires chinois dans la zone du Cachemire contrôlée par le Pakistan pour construire une route reliant le port pakistanais de Gwadar à l’est de la Chine en passant par les Karakoram[2]Frankel Francine R., The breakout of china-india strategic rivalry in Asia and the indian ocean, 2011. ou, du côté indien, la construction de 600 km de voies de communication et de tunnels dans les zones frontalières. Pour conclure sur le contentieux frontalier et les tensions qui en découlent, le 25 janvier 2011 fut publié un dossier sur ce thème par un organisme proche du PCC, l’Institut chinois d’étude contemporaine. Dans ce rapport assez virulent est rappelée la position chinoise en détail. Outre le fait que la guerre de 1962 y est décrite comme une guerre d’autodéfense, on peut à la fois trouver une critique des déploiements militaires indiens sur la frontière et de l’état d’esprit des négociateurs indiens, mais également que ce contentieux ne porterait que sur 2000 km de frontières alors que pour la partie indienne, ce sont 3488 km qui sont disputés. Cette différence repose sur l’omission par l’institut d’un quelconque problème à l’Ouest et ce document représente une nouvelle mise au point des blocages qui existent et un avertissement au gouvernement indien.

2010 était l’année de la célébration des soixante ans de la reconnaissance de la République populaire de Chine par l’Inde. À cette occasion, le Premier ministre chinois Wen Jiabao s’y rendit du 15 au 17 décembre avant de poursuivre par une visite au Pakistan. Durant cette visite, ce sont encore une fois les relations commerciales qui furent évoquées avec un nouvel objectif de progression et aucun des sujets qui comptaient pour la partie indienne ne fut abordé.

Le déficit commercial dans la balance

Autre point, le commerce bilatéral sino-indien qui n’était que de 1,2 milliard de dollars en 1995 est estimé en 2010 à plus de 60 milliards[3]Jain Shirish, Shufen Yan, India, China: Brothers, brothers, 2011.. Malgré l’émergence de concept comme Chindia, formulé pour la première fois par Jairam Ramesh, qui impliquerait une certaine complémentarité de leurs économies, l’économie chinoise serait performante dans les produits manufacturés tandis que l’Indienne le serait dans le domaine des services et des technologies de l’information. Aussi, la relation commerciale n’est ni équilibrée ni harmonieuse, le déficit étant de 20 milliards en défaveur de l’Inde en 2008. Les exportations indiennes vers la Chine sont constituées, pour près de 70 %, par le minerai de fer ainsi que du chrome, des produits chimiques et pharmaceutiques. Elles sont donc très vulnérables à la conjoncture du marché chinois et aux pratiques des négociants. Les Chinois, quant à eux, exportent surtout des produits manufacturés, électroniques et machines. Aussi, bien que ce commerce ait contribué à renforcer la confiance entre les deux pays, il est aujourd’hui source de tensions alors que la Chine est devenue le principal partenaire commercial de l’Inde en 2010, devant les États-Unis[4]Swaran Singh, Paradigm shift in India-China relations: from bilateralism to multilateralism, 2011.. Dans un autre domaine, ils s’affrontent pour les IDE, nécessaires pour soutenir leur développement bien que la Chine domine largement l’Inde dans ce cas. Elle a en effet reçu trois fois plus d’investissements étrangers qu’elle en 2008, 75 milliards pour la Chine contre 23 milliards pour l’Inde, même si l’Inde bénéficie d’une image plus positive.

Pour des économies en pleine expansion, l’approvisionnement énergétique a son importance et il peut avoir son influence sur la conduite de leur politique extérieure. Cependant, bien que leur besoin futur soit conséquent, il n’est pas dans l’intérêt de l’Inde ou de la Chine de se lancer dans une compétition acharnée dans ce domaine qui ne ferait qu’augmenter les prix, c’est pourquoi le ministre indien de l’Énergie s’était rendu à Pékin en 2006 pour discuter d’un vaste partenariat dans ce domaine et éviter ainsi une hausse significative des cours. En termes de statistique, la Chine a importé 52 % de sa consommation de pétrole en 2009 tandis que pour l’Inde, le chiffre était de 68 % en 2008. Les firmes publiques indiennes et chinoises investissent conjointement dans des projets d’exploitation pétrolière et, séparément, la Chine fortifie sa coopération avec l’Arabie saoudite, les républiques d’Asie centrale et la Russie tandis que l’Inde se fournit en gaz auprès de l’Iran et tente de se rapprocher, tant bien que mal, du Pakistan, de la Birmanie et du Bangladesh pour faciliter la construction d’oléoducs et de gazoducs. Il existe donc des exemples fructueux de coopération dans ce domaine même si la tendance reste généralement à la compétition. Dans un autre domaine économique, la RPC tenta de bloquer un prêt accordé à l’Inde par l’Asian Development Bank au motif que des fonds étaient destinés à l’Arunachal Pradesh.

Références

Références
1Saalman Lora, Divergence, similarity and symmetry in sino-indian threat perceptions, 2011.
2Frankel Francine R., The breakout of china-india strategic rivalry in Asia and the indian ocean, 2011.
3Jain Shirish, Shufen Yan, India, China: Brothers, brothers, 2011.
4Swaran Singh, Paradigm shift in India-China relations: from bilateralism to multilateralism, 2011.