Bharatiya Nau Sena, la marine indienne

L’impact de la Seconde Guerre mondiale

Son histoire remonte à 1612 lors du premier affrontement contre les Portugais de ce qui était encore la flotte de l’Honorable East India Company’s Marine. Lorsque Bombay fut conquise par les Britanniques en 1662, la ville devint le port d’attache de la flotte qui prit de l’importance après la conquête d’Aden par les Anglais. Elle prit son essor pendant la Seconde Guerre mondiale, auparavant elle ne possédait que 8 navires de guerre tandis qu’à la fin des opérations, elle était forte de 117 navires de guerre de tous types et de 35000 marins.

Après la partition, un plan sur 10 ans fut entrepris pour accroître le nombre de navires opérationnels et leur puissance ainsi que la construction de centres d’entraînement, les anciens centres ayant tous étaient attribués au Pakistan. La Grande-Bretagne fut, jusqu’au début des années 1960, le principal fournisseur de la marine indienne, mais après la guerre de 1962 contre la Chine, la marine reçut moins de crédit que les autres armes, le principal ennemi étant devenu la Chine, son budget augmenta tout de même de 4 % par an. Un plan de réarmement fut lancé en 1964 pour une durée de cinq ans avec pour but de remplacer des navires les plus âgés mais également de bâtir une force sous-marine[1]Indian Navy history, http://www.globalsecurity.org/military/world/india/in-navy-history.htm.

L’Union soviétique remplaça la Grande-Bretagne comme fournisseur principal et dans le même temps, l’Inde modernisa ses bases navales, ses ateliers de maintenance, mais aussi ses usines de production. La première grande victoire et la reconnaissance de l’importance de la marine indienne surviennent pendant la guerre de 1971 contre le Pakistan où elle participa à la victoire. Il fallut quand même attendre que le sous-marin pakistanais PNS Ghazi soit coulé pour que l’INS Vikrant, un porte-avions de la classe Majestic acheté au Royaume-Uni entré en service en 1961, puisse aider les indépendantistes. Malgré cela, elle connut des difficultés dans les années qui suivirent, non pas à cause d’un manque de bâtiments ou de financements, mais à cause d’un manque de techniciens qualifiés et de marins expérimentés. Les périodes indispensables de cale sèche pour les navires s’éternisèrent par manque de main-d’œuvre et les bâtiments russes n’étaient pas adaptés aux longues missions que la marine indienne devait mener.

Une montée en puissance progressive

Elle-même demanda un ralentissement des acquisitions et le développement avant tout de nouveaux centres de maintenance. Dans les années 1980, la puissance de la marine indienne s’accrut significativement avec une nouvelle modernisation de ses bases navales, principalement celles des îles Andaman-et-Nicobar et du Lakshadweep, elle fit l’acquisition de nombreuses frégates anti-sous-marine, d’une force aéronavale de Sea Harrier, de Mig-29K et d’Il-38 équipés du détecteur d’anomalie magnétique (MAD) modernisés en 2002. Elle est également composée de sous-marins pour faire face, au départ, aux sous-marins pakistanais comme le PNS Hangoor de type Daphné ou plus tard des Agosta. La marine indienne s’est progressivement équipée de huit foxtrots soviétiques entrés en service entre 1967 et 1974 et de quatre Type-209/1500 Allemands entrés en service entre 1986 et 1994.

Entre-temps, huit sous-marins russes de classe Kilo auront été commandés, ils entreront en service entre 1986 et 1991, suivis de deux autres en 1997 et 2001. En 2011, la marine indienne était la septième du monde en termes de tonnages (225000) et la cinquième en termes d’effectifs (55000), dont 5000 dans l’aviation aéronavale et 2000 commandos de marine. Elle est composée d’un porte-avions de classe Centaur, l’INS Viraat, acheté aux Britanniques en 1986 et équipé de Sea Harrier. C’est un bâtiment vieillissant qui va être remplacé prochainement par l’INS Vikramaditya. Ce nouveau porte-avions est en fait l’ancien bâtiment russe en cours de réhabilitation, l’amiral Gorchkov de classe Kiev, un navire de près de 45000 tonnes qui emportera des chasseurs multirôles Mig-29K. En 2006, elle a commencé la construction d’un porte-avions de 38000 tonnes, l’INS Vikrant, un autre est en projet.

Un ambitieux programme de modernisation 

Sa force sous-marine est composée aujourd’hui de sous-marins à propulsion conventionnelle, dix de classe Kilo, quatre de classe Type-209, le dernier Foxtrot doit être décommissioné en 2010. Quant aux sous-marins à propulsion nucléaire, elle loue à la Russie un bâtiment de type Akula-II, l’INS Chakra, depuis août 2010 pour une durée de dix ans qui lui sert en même temps de navire-école. C’est grâce à une participation financière, qui a relancé la construction des Akula-II, que l’Inde peut louer ce type de sous-marin nucléaire à la Russie, c’est un cas exceptionnel. Elle développe également son propre type de sous-marins à propulsion nucléaire (programme ATV, Advanced Technology Vessel), la classe Arihant, dont le premier a été mis à l’eau pour des tests préliminaires le 26 juillet 2009 et qui doit rentrer en service en 2011, deux autres sont prévus. Ces sous-marins de construction indigène seront équipés des missiles balistiques K-15 testés avec succès en février 2008. De plus, elle a signé en 2005 un contrat avec Armaris pour l’acquisition de six sous-marins de classe Scorpène de conception franco-espagnole mais aussi avec MBDA pour 36 missiles Exocet qui les équiperont. Ils seront construits sous licence dans les chantiers de Mazagon à Mumbaï et les trois derniers exemplaires devraient être équipés d’un système AIP (Air Independant Propulsion) ou anaérobie, le MESMA (Module d’énergie sous-marine autonome), une turbine à vapeur dont la chambre de combustion est alimentée par du diesel et de l’oxygène.

L’Inde prévoit de remplacer ses Type-209, soit par des Scorpène, des S-80 espagnols (similaire au Scorpène) ou des Type- 214 allemands. Les Kilo forment pour l’instant l’ossature des forces sous-marines indiennes, six ont déjà été modernisés en Russie, et l’arrivée des Scorpène et des ATV est attendue avec impatience. En effet, la marine indienne a tardé à faire l’acquisition de nouveaux sous-marins malgré un plan sur 30 ans, approuvé en 1998, qui prévoyait la construction de 24 exemplaires à propulsion classique. En 2007, un rapport du Comptroller and Auditor General of India mettait en lumière ces déficiences, en particulier sur l’état de la flotte de surface et sous-marine. Par exemple, 65 % des bâtiments de surface arrivent en fin de vie en 2012 et doivent être remplacés, mais les acquisitions, indigènes ou étrangères, ont pris du retard comme le programme du porte-avions. Quant aux sous-marins, leur disponibilité en 2007 n’était que de 48 % alors qu’elle doit être de 66 %. Néanmoins, la flotte sous-marine devrait compter une vingtaine de bâtiments à l’horizon 2020.

Le reste de sa flotte de surface est composé de huit destroyers, trois destroyers équipés de missile guidés de la classe Delhi disposant, entre autres, de capacités anti-sous-marines (ASM) et de défense aérienne. Les cinq autres destroyers, également équipés de missiles guidés, sont de la classe Rajput, plus ancienne dont les mises en service se sont étalées de 1980 à 1988. La classe Rajput est dérivée du destroyer soviétique de classe Kashin. Quant aux 13 frégates, les plus récentes sont les Brahmaputra (3 bâtiments), équipées de missile guidé et disposant de capacités ASM. La marine indienne est composée également de corvettes (23), de barges de débarquement et de navires de soutien pour un total d’environ 150 unités. De nombreux bâtiments sont en construction comme les destroyers de classe Kolkata (Projet 15A), trois exemplaires commandés, ou les frégates furtives de classe Shivalik (Projet 17A), sept exemplaires commandés, qui utiliseront la technologie furtive de la classe La Fayette.

Il existe une flotte de gardes-côtes fondée le 1er février 1977 qui est chargée d’assurer la sécurité et la protection des installations au large, des pécheurs et de faire respecter la législation indienne dans sa zone maritime d’exclusivité revendiquée par le Maritime Zone of India Act du 25 août 1976. Cette flotte est non négligeable et dispose de quatre frégates, neuf corvettes, 25 vedettes ainsi que 24 avions Dornier Do-228 qui peuvent patrouiller pendant six heures, mais aussi 17 hélicoptères Chetak et 4 Dauphins.

Centres de commandement

Le quartier général de la marine est à New Delhi et la flotte est divisée en deux, la flotte de l’est est basée à Visakhapatnam dans la baie du Bengale et celle de l’ouest est basée à Mumbaï sur la mer arabe. La flotte de l’est est composée principalement de navires assez âgés à la différence de la flotte de l’ouest qui doit assurer la protection du pays contre une éventuelle attaque du Pakistan.
Indépendamment de la division en deux de la flotte, il y a quatre centres de commandement.
– De l’Ouest basé à Mumbaï.
– De l’Est à Visakhapatnam.
– Du Sud à Cochin.
– Des îles Andamans et Nicobar à Port Blair.
Deux sous-commandements sont établis, un à Goa pour l’aéronavale et l’autre à Visakhapatnam pour la flotte sous-marine.

Doctrine et missions

90 % du volume des importations et des exportations indiennes transite par mer, cela correspond à 18 % du PNB[2]Blue-water Navy is the aim, https://timesofindia.indiatimes.com/india/Blue-water-Navy-is-the-aim/articleshow/263611.cms et 90 % de l’approvisionnement en pétrole d’où l’importance pour l’Inde de posséder une marine puissante. Le but premier de la marine indienne est de protéger les côtes et défendre la souveraineté maritime du pays. Elle doit par sa présence dans la région indienne de l’océan Indien assurer la paix, la tranquillité et la stabilité. Sa doctrine consiste aussi à bloquer des menaces non militaires comme les trafics d’armes et de stupéfiants, la piraterie, à protéger ses voies de navigation pour ses approvisionnements énergétiques et son commerce extérieur, à patrouiller sa zone économique exclusive et permettre ainsi la prospection et l’extraction de ressources naturelles. Pour remplir ces missions, elle est appuyée par la flotte des garde-côtes en pleine expansion. De plus, la création de Joint Operation Centres (au nombre de quatre) a facilité le partage des informations entre les différentes branches.

Cette marine a amélioré ces dernières années la coopération avec des marines régionales ou extrarégionales, elle a également participé à des exercices avec les marines du Sud-est asiatique, du nord-ouest du pacifique et d’Europe. Elle est présente dans le golfe d’Aden, avec au moins un navire sur zone depuis octobre 2008, où plus de 600 navires ont été escortés par l’Indian Navy, elle surveille également la zone de l’île Maurice et des Seychelles. En 2009, elle a mené plusieurs exercices majeurs, dont celui de Triveni, non loin des îles Lakshadweep, en janvier avec la participation de forces amphibies, de forces spéciales et des forces aériennes. En février, l’exercice Tropex a lui vu la participation des trois armes. Avec les marines étrangères, elle a conduit plusieurs exercices dont celui d’Indra en janvier avec la flotte de la Fédération de Russie, l’exercice Malabar d’avril à mai avec les États-Unis et le Japon et celui de Konkan dans l’atlantique nord avec la Royal Navy en juillet 2009 mais aussi avec la France pendant l’exercice Varuna dans l’Atlantique Nord en juillet 2009. Elle patrouille deux fois par an, conjointement avec la marine indonésienne, la frontière maritime commune, mais aussi avec la marine thaïlandaise.

Sa montée en puissance est destinée à contrecarrer celle de la marine chinoise, en effet la marine indienne est déjà cinq fois plus puissante que la marine pakistanaise, mais les Chinois s’établissent au Pakistan, en Birmanie et plus généralement dans l’océan Indien. La Chine doit assurer la sécurité de son approvisionnement énergétique, mais l’implantation de bases navales chinoises en Birmanie (celle des îles Cocos est située à proximité de la base indienne des îles Andaman et Nicobar), au Bangladesh (Chittagong), au Pakistan (notamment la base de Gwadar, inaugurée en 2007) et au Sri Lanka est perçue comme une tentative d’encerclement naval, le « collier de perles » qui s’étend de la mer de Chine méridionale aux côtes de l’Afrique.

L’Inde désire posséder une Blue water Navy capable d’opérer loin de ses ports et sur toutes les mers du globe. Pour cela, elle doit être capable de mettre un œuvre un groupe aéronaval qui s’articulerait autour d’un porte-avions et patrouillerait des côtes de l’Afrique de l’Est au détroit de Malacca tout en étant assisté d’une surveillance satellitaire. Cette volonté de posséder un porte-avions explique en partie l’urgence de posséder des SNA, seul capable d’assurer la protection des porte-avions. En effet, les SNA peuvent maintenir une vitesse élevée tout en restant discrets alors que les sous-marins à propulsion classique devraient utiliser leur diesel, leur puissance électrique ne leur permettant d’atteindre que 5 nœuds.

Données de 2012, mise à jour en cours. Voir le Focus sur… L’arme sous-marine, l’aéronavale et la question maritime pour des données plus récentes avant la MàJ de cette page.