Chindia

Un rapprochement sous tensions

Une nouvelle fois, un événement extérieur allait s’immiscer dans les relations sino-indiennes, ce fut l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques en décembre 1979 tandis

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Ou compétition ?

Malgré des rencontres fréquentes, il reste des points controversés et des contentieux à régler entre les deux nations. Tout d’abord, le problème des frontières

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Une Chindia, vraiment ?

De leurs premières discussions bilatérales au début des années 1950 à celles qui ont permis au dialogue de reprendre après les vicissitudes de l’après-guerre,

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L’état des relations aujourd’hui

En octobre 2013, le Premier ministre indien, Manmohan Singh, et son homologue chinois, Li Keqiang, signèrent à Pékin un accord de coopération concernant leurs frontières disputées. Le Border Defence Cooperation Agreement (BDCA)[1]Border Defence Cooperation Agreement between India and China, https://pib.gov.in/newsite/PrintRelease.aspx?relid=100178 avait pour objectif de faire baisser durablement la tension sur la Line of Actual Control (LoAC) définie en 1993. Sa signature faisait suite à l’incident de Daulat Beg Oldi et l’incursion de militaires chinois en territoire indien en avril-mai 2013. Accord en dix articles, outre la mise en place de mécanismes de coopération (articles 3, 4 et 5) c’est l’article deux qui pourrait contribuer à la pacification d’une région marquée par les trafics et la contrebande en raison de la porosité de la frontière nord-est. L’article 6 précise que les deux parties ne doivent pas organiser de patrouilles dans les zones où il n’y a pas d’accord clair sur le tracé de la LoAC.

L’année 2014 marquait le soixante-dixième anniversaire de la signature des Cinq principes de coexistence pacifique entre l’Inde et la RPC en avril 1954. Cet anniversaire et la signature du BDCA auguraient d’une relance dans leur relation d’autant que la RPC était devenue le principal partenaire commercial pour l’Inde tandis que l’Inde était le principal partenaire de Pékin en Asie du Sud, devant son allié traditionnel pakistanais et le Bangladesh. À l’occasion de la visite du Président chinois, Xi Jinping, à Delhi en septembre 2014 et celle du Premier ministre indien en Chine en mai 2015, de nombreux accords furent signés dont un plan quinquennal de développement du commerce bilatéral, la création de zones industrielles et des promesses d’investissement dans les lignes ferroviaires indiennes. En effet, le commerce était une nouvelle source de contentieux et les accords successifs depuis 2000 n’avaient pas empêché la balance commerciale indienne d’être fortement déficitaire avec la Chine, tout comme les investissements chinois en Inde étaient loin de remplir leur promesse, seulement 450 millions de dollars entre 2000 et 2014, une infime part des IDE que réalisent Pékin à l’étranger[2]Department for promotion of industry and internal trade, Fact Sheet on Foreign Direct Investment, from april 2000 to december 2014, … Continue reading malgré une nette accélération entre 2014 et 2018, dépassant les deux milliards de dollars[3]Department for promotion of industry and internal trade, Fact Sheet on Foreign Direct Investment, from april 2000 to december 2014, … Continue reading. Les échanges commerciaux qui n’étaient que de 100 millions de dollars en 1997 atteignent 38 milliards en 2007 et 84 milliards en 2017, mais le déficit commercial indien face à la Chine était de 51 milliards en 2017.

Leurs approches sur la lutte à mener contre le réchauffement climatique divergent également. Après avoir eu des positions proches à Copenhague en 2009 où les deux pays ont soutenu, avec les États-Unis de Barack Obama, la signature d’un accord non contraignant (en opposition avec l’UE), les récentes déclarations marquent un changement de cap. La signature en décembre 2014 d’un accord sino-américain visant à réduire leurs émissions de carbone pour 2030 est à l’opposé des positions indiennes qui refusent ce type d’accord bilatéral. Malgré une déclaration commune sur ce thème en mai 2015, l’Inde et la Chine ne défendent pas la même approche. L’Inde s’oppose à tout accord impliquant un engagement chiffré contraignant, favorisant plutôt le transfert de technologie et l’aide internationale pour développer l’énergie verte.

Changement de dirigeants

D’autre part, l’arrivée de Xi Jinping en RPC et de Narendra Modi en Inde en 2014, deux dirigeants aux positions plus marquées que leurs prédécesseurs, allaient avoir un impact supplémentaire. En tant que Chief-Minister du Gujarat, Narendra Modi a effectué de nombreux voyages en Chine pour favoriser l’investissement dans son état et louer par la même occasion le modèle économique chinois. Mais la nomination d’un militaire retraité comme Vijay Kumar Singh (considéré comme un faucon) au poste de ministre d’État pour la région du Nord-est marque l’importance de la question frontalière pour Modi. L’invitation du Premier ministre du gouvernement tibétain en exil, Lobsang Sangay, lors de sa prise de fonction en 2014 était un signal que malgré la déclaration sur l’appartenance de la « région autonome du Tibet » à la RPC au début des années 2000, l’Inde s’intéressait toujours à la question tibétaine.

Des signaux contradictoires sont également émis par Pékin. La première visite à l’étranger du nouveau Premier ministre chinois, Li Kegiang, aura lieu en Inde en mai 2013 tandis que le ministre chinois des Affaires étrangères se rendra à Delhi peu de temps après l’investiture de Modi suivi par le Président chinois en septembre 2014. Cependant, peu avant ces visites, des tensions sur la frontière surgirent, comme ce fut le cas en avril-mai 2013 dans la vallée Depsang, des tensions dans la zone de Chumur en septembre 2014 avant le grave incident de Doklam à l’été 2017. Auparavant, on pouvait attribuer ces tensions à des officiers de l’APL souhaitant envoyer un message au gouvernement, mais la centralisation du pouvoir entre les mains de Xi Jinping laisse planer le doute. Néanmoins, la vaste campagne anticorruption menée par le gouvernement chinois a touché de nombreux hauts gradés de l’APL aussi, il est difficile de savoir si les violations de la LoAC sont téléopérées par le gouvernement central ou le fait de militaires locaux.

La relation sino-indienne est donc fluctuante, mais il se forme parallèlement des désaccords aussi profonds que le contentieux frontalier. En premier lieu, la question de la gestion de l’eau avec l’aménagement de barrages dans l’Himalaya, principalement chinois au départ, mais également Indien ou Pakistanais. Ensuite, la question maritime, à la fois pour assurer et sécuriser leurs liaisons commerciales, mais aussi la fourniture des matières premières, la défense de leur souveraineté et leur prétention territoriale quand elles existent. Quand l’Inde fait une déclaration commune avec les États-Unis sur la nécessité de défendre la liberté de navigation, et ce, particulièrement en mer de Chine du Sud, c’est une condamnation implicite de la volonté chinoise de dominer les îles Spratleys[4]White House, Office ot the press secretary, U.S.-India Joint Strategic Vision for the Asia-Pacific and Indian Ocean Region, 2015, … Continue reading. Dans le même temps, Inde et Chine établissaient un dialogue afin de renforcer leur lutte contre la piraterie dans l’océan indien.

Nouvelles routes de la soie et Act East Policy

Dans le domaine du commerce international, l’initiative chinoise des Nouvelles routes de la soie est celle qui préoccupe le plus Delhi. Lancée par Xi Jinping en 2013 et d’abord intitulée One Belt, One Road (OBOR) puis Belt and Road Initiative (BRI), elle vise à moderniser les infrastructures et favoriser le commerce entre la Chine et le reste du monde. Cependant, ces investissements massifs ont lieu en partie dans l’environnement immédiat de l’Inde (Pakistan, Bangladesh, Népal), mais aussi dans des zones contestées comme dans la partie occupée par le Pakistan du Cachemire. Ce projet intégré à la BRI, le China-Pakistan Economic Corridor (CPEC), doit permettre la construction ou la modernisation des principales voies de communication entre la province du Xinjiang et le port en eaux profondes de Gwadar au Pakistan où Pékin a investi dans son développement et obtenu une concession de 43 ans pour la construction d’une Zone économique spéciale. Pour la Chine, cela permet d’éviter le détroit de Malacca, mais pour Delhi, cela légitime ce qu’elle considère comme une occupation pakistanaise. Le Népal a souhaité rejoindre la BRI en mars 2017 et en janvier 2018, un réseau de fibre optique a été mis en place entre le Tibet et Katmandou tandis qu’au Bangladesh ou au Myanmar, des projets de la BRI sont en cours.

En réactivant sa Look East Policy en 2014, la transformant en Act East Policy (AEP), l’Inde a réagi à l’initiative chinoise même si ses capacités d’investissement sont moindres. Il s’agit ici de favoriser le développement de sa région nord-est et de renforcer les échanges avec les États d’Asie du Sud-Est et l’ASEAN. Le projet autoroutier qui relierait l’Inde à la Thaïlande est remis au goût du jour, mais une seule route, qui plus est difficilement connectée aux autres régions du nord de l’Inde, ne suffira pas. Le gouvernement de Delhi en a pris conscience en tentant de lancer des initiatives multilatérales pour soutenir l’AEP, mais son retrait du grand projet de zone de libre-échange asiatique, le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP) n’est pas un signal d’encouragement. Réunissant les pays de l’ASEAN et cinq autres pays (dont la Chine et le Japon), le RCEP doit aboutir à une vaste zone de libre-échange aux alentours de 2020, mais l’Inde a choisi de quitter le projet en novembre 2019 alors que les nations asiatiques représentent 49% de son commerce extérieur dont 23% pour la seule Asie du Sud-est contre 20% pour les États-Unis et 19% pour l’Europe.

Le sommet de Wuhan en avril 2018 a clos une période de tensions bilatérales qui a duré douze ans bien que cela n’enlève en rien les motifs de friction, d’autant que le développement du concept d’ « Indopacifique libre et ouvert » auquel adhèrent l’Inde, le Japon et les États-Unis n’est pas fait pour apaiser la Chine ni sans danger pour l’Inde. Après l’expérience du QUAD, les exercices militaires trilatéraux qui se tiennent depuis 2015 ont lieu dans un théâtre d’opérations assez lointain, d’autant plus que ni les États-Unis ni le Japon n’ont soutenu l’Inde lors de l’affaire de Doklam.

Références

Références
1Border Defence Cooperation Agreement between India and China, https://pib.gov.in/newsite/PrintRelease.aspx?relid=100178
2Department for promotion of industry and internal trade, Fact Sheet on Foreign Direct Investment, from april 2000 to december 2014, https://dipp.gov.in/sites/default/files/india_FDI_December2014_0.pdf, consulté le 15 mai 2020.
3Department for promotion of industry and internal trade, Fact Sheet on Foreign Direct Investment, from april 2000 to december 2014, https://dipp.gov.in/sites/default/files/FDI_Factsheet_27February2019.pdf, consulté le 15 mai 2020.
4White House, Office ot the press secretary, U.S.-India Joint Strategic Vision for the Asia-Pacific and Indian Ocean Region, 2015, https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2015/01/25/us-india-joint-strategic-vision-asia-pacific-and-indian-ocean-region, consulté le 10 mai 2020