Politique étrangère

L’Inde et le Quad

Afin accroître sa présence en Asie, l’Inde a participé en 2017 à la renaissance du dialogue quadrilatéral (Quad), créé par les États-Unis en 2007,

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L’Inde et le multilatéralisme, vers une nouvelle approche ?

L’Inde dispose pendant deux ans d’un siège au Conseil de sécurité des Nations-Unies et elle assurera la présidence du G20 en 2023. Alors que le système de Bretton Woods fait peu de cas de l’évolution du monde et que Delhi est de plus en plus critique envers l’absence de représentativité du Conseil de sécurité, qu’elle cherche des solutions parallèles, où en est le rapport de l’Inde avec le multilatéralisme ?

Une relation complexe

La relation que l’Inde entretient avec l’idée du multilatéralisme fut marquée dès ses débuts par la déconvenue sur la question du cachemire. La première fois que l’Inde a fait appel à l’ONU, c’était en 1948 pour que l’organisation tranche sur la question de la souveraineté sur le Cachemire, ce qui a conduit à un statu quo inacceptable pour New Delhi. Bien qu’adhérant aux principes de l’ONU, elle ne pouvait accepter que le principe du Conseil de sécurité soit non démocratique. Il était perçu comme un embryon de gouvernement mondial interférant dans ses affaires intérieures. L’Inde se focalisera donc sur la constitution du Mouvement des non-alignés (MNA) tout en participant au fonctionnement des Nations unies.

La fin de la guerre froide et l’échec du MNA forcera l’Inde à choisir entre deux visions du monde, l’une ou elle chercherait à jouer un rôle global, l’autre ou elle se préoccuperait avant tout de ses intérêts nationaux. Pragmatique, elle mènera les deux de front en réclamant un siège permanent au Conseil de sécurité, cherchant le soutien de l’Union européenne sur cette question, sans succès. En effet, les États membres sont divisés sur ce point et ne peuvent parvenir à une position commune. L’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni se rangent du côté de Delhi tandis que l’Italie, ne soutenant pas la candidature allemande, membre du G4 avec l’Inde, ne peut soutenir celle de l’Inde.

Une nouvelle ère ?

Au début de la crise sanitaire, les États ont été incapables de définir un plan d’action global de lutte contre la crise sanitaire (comme le fit remarquer le ministre indien des Affaires extérieures) et ils ont agi unilatéralement. Le système onusien a pâti de cette situation et son fonctionnement, ainsi que son défaut de représentativité, sont de plus en plus contestés. Alors que l’ONU a dû fêter ses 75 années d’existence par visioconférence, les tensions commerciales et politiques entre les États-Unis et la Chine, la présidence Trump et les postures de régimes illibéraux ne faisant même plus semblant de respecter le droit international risquent de sceller la crédibilité même du Conseil de sécurité.

C’est dans ce contexte que l’Inde a été élue en juin 2020 en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité. Recueillant 184 des 192 votes, son mandat a commencé le 1er janvier 2021 pour une durée de deux ans. Lors du discours à l’Assemblée générale en septembre 2020, Narendra Modi a présenté une nouvelle vision indienne des Nations unies. Si auparavant l’Inde souhaitait obtenir plus de voix au sein de l’institution, désormais, sans l’Inde au Conseil de sécurité, c’est la crédibilité même de l’institution et du multilatéralisme qui est remis en cause. D’autant plus que Narendra Modi a mis en avant la participation indienne aux opérations de maintien de la paix et au lourd tribut payé par les Casques bleus indiens.

D’autant que le Premier ministre indien doit également compter avec les parlementaires qui ont interrogé le gouvernement lors d’une session à la Lok Sabha le 3 février 2021. Sur le sujet des Nations unies, le gouvernement a dû préciser son plan d’action afin d’intégrer le Conseil de sécurité des Nations unies. Encore évasif à ce jour, il peut se résumer en 5 S (Samman (respect), Samvad (dialogue), Sahyog (coopération), Shanti (paix) and Samriddhi (prospérité)).

Les enjeux pour le multilatéralisme onusien

Prenant acte de son absence pendant la crise, c’est pour Modi le moment de réformer le système des Nations unies et le multilatéralisme afin qu’il reflète mieux la réalité contemporaine, donne la parole à tous les acteurs, couvre les problématiques actuelles et se concentre sur le bien-être humain. Alors que l’Inde assurera la présidence du G20 en 2023, malgré son engagement envers le multilatéralisme, le discours du Premier ministre laisse entendre que Delhi pourrait rechercher d’autres alternatives si aucune réforme n’est entreprise.

Les alternatives pour être reconnu

Si le système multilatéral hérité de la Seconde Guerre mondiale ne peut se réformer malgré les pressions exercées par le G4 et autres groupes, la montée en puissance du minilatéralisme des « G » se poursuivra. C’est une solution intermédiaire pour Delhi qui, en parallèle, accentue sa présence au sein des organisations régionales déjà existantes de la région indopacifique tout en proposant de nouvelles coopérations aux pays de la région.

Par exemple, l’Indo-pacific Ocean’s initiative (IPOI) lors du quatorzième sommet de l’East Asia Summit (EAS) en novembre 2019. Ce forum avait pour objectif de promouvoir une coopération stratégique, en particulier dans le domaine maritime, entre l’Inde, l’ASEAN et les pays souhaitant y participer. Le plan d’action Inde-Asean 2021-2025 adopté en septembre 2020 en reprend les grandes lignes. À cette initiative, il faut ajouter le QUAD, avec les États-Unis, le Japon et l’Australie, l’Indian Ocean Rim Association (IORA) dont la France fait partie, la renaissance d’anciens forums de discussions comme le JAI (Japan-America-India), les BRICS, etc…

Tandis qu’elle assure déjà 60% de la production des vaccins dans le monde (hors-covid), l’Inde dispose, grâce à son industrie pharmaceutique, d’une précieuse capacité de production à très grande échelle des différents vaccins contre le Covid-19. Alors que le peu de gouvernance mondiale a été mis à mal par le Covid-19, c’est un argument de poids.

Plus de détails sur (en anglais) :

Jaishankar says states, world bodies prevented collective response to challenges

India’s UNSC moment

Call for reformed multilateralism

Question No.411 Integrating UNSC

75th United Nations General Assembly General Debate INDIA Statement by Prime Minister H. E. Mr. Narendra Modi 

Indian Ocean Rim Association

How India can be a world leader in making Covid vaccine and keeping it cheap too