Les tensions sino-indiennes

L’historique du tracé sino-indien

Secteur occidental de la frontière sino-indienne La fixation des frontières dans ce secteur concerne principalement les régions du Ladakh et de l’Aksaï Chin ou

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Les tensions sino-indiennes

Les incidents depuis 1962

Chola – Nathu-La À la fin de l’année 1967, deux accrochages meurtriers eurent lieu au Sikkim entre les deux pays. Le premier dans la

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Le problème de frontière selon le droit

Le cas sino-indien

Ce différend sino-indien rappelle celui qui a opposé le Cambodge et la Thaïlande à propos de l’affaire du temple de Preah Vihear[1]Temple situé à la frontière du Cambodge et de la Thaïlande qui a changé plusieurs fois de nationalité. Le 15 juin 1962, la cour internationale de justice a attribué le temple au Cambodge.. Cependant, il se distingue sensiblement des autres conflits frontaliers, car les contestations territoriales ne se limitent pas, comme à l’ordinaire, à une région déterminée, mais affectent pratiquement toute l’étendue des frontières. D’est en ouest, les limites entre les deux pays partent du col de Karakoram, au nord-ouest du Cachemire, rejoignent le Népal et les royaumes du Sikkim et du Bhoutan pour se terminer dans la zone orientale de la NEFA à la jonction de la Birmanie, de l’Inde et de la Chine. S’étalant ainsi sur plus de 4000 km, la frontière traverse les chaînes de montagnes les plus élevées du monde, d’accès très difficile, ce qui explique la densité particulièrement basse de la population et la quasi-impossibilité d’établir une ligne de démarcation précise.

Secteur occidental

À l’ouest, la Chine admet l’existence d’une ligne coutumière traditionnelle, mais selon elle, cette ligne engloberait en territoire chinois les régions contestées. L’argumentation, outre ethnique et linguistique, repose sur deux fondements :
– Une carte britannique de 1862 établie par les services du procureur général aux Indes sur laquelle le tracé de la frontière courait le long de la chaîne de montagnes de Karakoram, se conformant ainsi à la ligne coutumière traditionnelle mais qui ne se basait sur aucun traité,
– La construction entreprise dans la région de l’Aksaï Chin d’une route reliant le Xinjiang au Tibet est demeurée longtemps ignorée des autorités indiennes. La Chine y voit une preuve que c’est elle et non l’Inde, qui exerçait dans ce secteur les actes administratifs, corollaire de son pouvoir souverain.

Il est difficile d’évaluer la portée d’une ligne coutumière dite traditionnelle dans des régions presque désertiques où les conditions géographiques ne permettent pas une délimitation rigoureuse et le gouvernement indien assoit ses prétentions sur des cartes nombreuses et assez récentes (la dernière date de 1933) émanant du gouvernement de Pékin qui montraient l’Aksaï Chin et le Lingzhi Tang comme faisant entièrement partie de l’Inde. Quant à l’accomplissement d’actes administratifs par l’une ou l’autre partie dans les territoires litigieux, la jurisprudence internationale accorde une valeur particulière à l’exercice effectif du pouvoir par les États pour fonder leurs prétentions territoriales. Elle y voit une manifestation tangible de nature à tenir lieu de titre juridique comme la justice l’a reconnu dans l’affaire de l’île de Palmes[2]Île au sud de l’archipel des Philippines, enjeu d’un litige qui a opposé les États-Unis aux Pays-Bas dont le jugement en 1928 a accordé aux États-Unis la souveraineté sur l’île..

L’Inde a produit à la réunion des officiels d’avril 1960 une série de documents établissant l’exercice continu de l’autorité administrative indienne pendant plus de cent ans sur les régions contestées : rapports fiscaux, listes de recensement. Elle a, en outre, prouvé le maintien de postes de police dans la région nord de l’Aksaï Chin depuis 1865. Les représentants chinois ne paraissent pas avoir pu opposer des documents équivalents à ceux invoqués par l’Inde. Mais la construction d’une route chinoise traversant l’Aksaï Chin que l’Inde a tardivement découverte peut s’inscrire en sens contraire et prouver l’insuffisance de l’autorité indienne dans cette région, voire établir la souveraineté chinoise. Le fait que le gouvernement indien, lorsqu’il a appris l’existence de cette route, ait envoyé des éléments de reconnaissance sur les lieux et élevé une protestation formelle, en octobre 1958, contre l’occupation de son territoire est la confirmation qu’elle n’a jamais eu l’intention d’abandonner ces territoires.

Secteur central

Dans le secteur central, le contentieux est moins prononcé que dans les deux autres secteurs. En 1949, un traité fut signé entre l’Inde et le Bhoutan reconnaissant l’autonomie interne de ce dernier et confiant à l’Inde la gestion des affaires extérieures et par un accord de 1950, le Sikkim reconnaissait le protectorat indien. L’Inde fait état de preuves établissant que son gouvernement avait toujours exercé sur ces régions un contrôle continu et non pas des actes d’autorité isolés : règlements fiscaux, constructions de routes, rapports topographiques. L’accord sino-indien de 1954 avait identifié six cols comme point de passage dans la région sans être toutefois clairement qualifié de postes-frontières.

Secteur oriental

À l’est, le point important est celui de la validité des traités conclus par le Tibet avec la Grande-Bretagne, et notamment le traité de Simla de 1914 qui créait la ligne McMahon. Le Tibet constitue en effet une séquelle de la transposition du droit féodal à l’échelon international. Le statut international du Tibet intéresse la question de la frontière sino-indienne dans la mesure où cette frontière fut définie par un traité signé par les gouvernements indien et tibétain. Possédait-il une capacité suffisante pour conclure le traité en dehors de l’intervention des autorités chinoises ? La suzeraineté n’implique pas nécessairement la déchéance pour l’État vassal de toute personnalité internationale et les traités signés par le Tibet avec le Ladakh en 1684 et 1842 de même que celui signé avec le Népal en 1856 semble indiquer que le Tibet a toujours possédé le droit de signer des traités et d’entretenir des relations directes avec ses voisins au sujet des questions de frontière. Mais la présence à Simla d’un représentant chinois semble conférer moins d’autorité au représentant tibétain, de plus la Grande-Bretagne aurait traité directement avec le Tibet en dehors de la présence chinoise si le Tibet disposait de cette compétence.

L’impératif de la stabilité des frontières

Les autorités chinoises ont constamment mis l’accent sur le fait que la frontière sino-indienne était le produit de l’impérialisme britannique et à ce titre la contestait. Mais le changement de régime politique en Chine ne justifie pas la remise en cause des frontières.

Selon le gouvernement chinois :
– L’inégalité du rapport des forces en présence au moment de la conclusion des traités frontaliers entache ceux-ci de nullité ou entraîne la nécessité d’une révision,
– Le gouvernement de la République populaire de Chine ne se sent pas lié par des engagements contractés sous un autre régime politique.

La Grande-Bretagne aurait tiré parti de l’état de faiblesse dans lequel se trouvait la Chine à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle pour annexer des territoires chinois ou conclure des traités entre parties contractantes non placées sur un pied d’égalité. De plus, en suivant la position défendue autrefois par le gouvernement soviétique qui, par un décret du 23 janvier 1918, avait annulé tous les emprunts extérieurs émis par le régime tsariste, l’apparition d’un état d’un type historique nouveau permettait, selon la conception marxiste, de refuser d’honorer les dettes du régime antérieur, contractées en faveur des classes dirigeantes. En ce qui concerne les traités délimitant les frontières, le gouvernement soviétique estimait que ces traités demeuraient en vigueur jusqu’à leur révision ou leur confirmation, le gouvernement chinois semble avoir fait sienne cette conception.

La position indienne est renforcée par le comportement de la Chine. Ce n’est que le 17 juillet 1954 que le gouvernement de Pékin proteste contre la présence des troupes indiennes à Bara Hoti dans l’état d’Uttar Pradesh. Jamais auparavant, il n’y avait eu de sa part quelques témoignages indiquant son opposition au tracé de la frontière. Pourtant les occasions de marquer son désaccord ne lui avaient pas manqué. Ainsi, après 1949, date de la formation de la République populaire de Chine, des cartes indiennes avaient été publiées (notamment en 1950 et 1952) indiquant la ligne frontière que l’Inde considérait comme valable. Le contrôle administratif exercé par les autorités indiennes sur ces territoires n’avait pas fait l’objet de contestation. La constitution indienne de 1950 fait mention de manière précise de diverses régions comme relevant de l’autorité indienne, régions que les Chinois revendiqueront par la suite. Dans un discours prononcé le 20 novembre 1950 devant le parlement indien, Nehru fait référence à la frontière indienne définie par la ligne McMahon. En 1954, la Chine pouvait, à propos de la conclusion de l’accord commercial avec l’Inde, manifester son opposition. Par son silence, la Chine s’est comportée comme si elle acceptait le tracé frontalier indien. Nous verrons pourquoi elle n’a pas contesté le tracé à ce moment-là.

Références

Références
1Temple situé à la frontière du Cambodge et de la Thaïlande qui a changé plusieurs fois de nationalité. Le 15 juin 1962, la cour internationale de justice a attribué le temple au Cambodge.
2Île au sud de l’archipel des Philippines, enjeu d’un litige qui a opposé les États-Unis aux Pays-Bas dont le jugement en 1928 a accordé aux États-Unis la souveraineté sur l’île.